L’absentéisme, symptôme de la souffrance au travail ? Réorganisation du travail et santé des salariés à La Poste Suisse
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Les conditions de travail d’une ancienne régie fédérale et les politiques managériales de prévention et de promotion de la santé qu’elle met en œuvre constituent les deux thèmes principaux de ce mémoire. Nos analyses entendent formuler des éléments de réponse à deux questions. Premièrement, la modernisation de cette entreprise porte-t-elle atteinte à la santé des salariés ? Les services postaux connaissent des restructurations profondes depuis la fin des années 1980, c’est-à-dire depuis que les premiers jalons d’un marché postal à l’échelle européenne ont été posés. Dans cette évolution, la gestion du personnel et le rapport aux usagers de la plupart des entreprises de « service public » se sont rapprochées de ceux des entreprises privées. Deuxièmement, les programmes de prévention et de promotion de la santé constituent-ils un véritable appui pour les salariés ? Dans cette étude, nous nous intéressons tout particulièrement au système de gestion des absences « pro présence » développé par GloboSana, une entreprise spécialisée dans l’élaboration de concepts pour une gestion plus efficace de la santé. Ce dispositif permet d’appliquer la « détection précoce » fixé par la 5e révision de l’Assurance invalidité (AI). Il a été introduit à La Poste en 2006, mais aussi dans d’autres grandes entreprises suisses, comme les Chemins de fer fédéraux (CFF) ou la Migros.
Les résultats de cette étude laissent entendre que atteintes à la santé augmentent lorsque les salariés se trouvent désarmés face à l’intensification du travail. C’est le cas, notamment, lorsque les facteurs perdent progressivement la maîtrise de leur travail, c’est-à-dire la connaissance intime de leurs tournées, et ne parviennent plus à mobiliser leurs savoirs professionnels pour s’adapter aux nouvelles cadences. Ce constat concerne une partie non négligeable de salariés : ne pouvant ni avoir une véritable emprise sur les aspects centraux du travail, ni satisfaire convenablement « leur » propre clientèle, les sentiments d’impuissance éprouvés à l’égard de la réorganisation du travail prennent parfois le pas sur leur «pouvoir d’agir» et génèrent des souffrances profondes. La gestion individualisée du personnel tend à gommer les structures hiérarchiques à l’intérieur de l’entreprise, ce qui amène les salariés à considérer que leurs collègues sont à l’origine de leurs souffrances. Nous assistons ainsi à une « psychologisation des rapports sociaux ». L’érosion des collectifs de travail, le départ des salariés les plus anciens, la difficulté à maintenir un « genre professionnel » face aux réorganisations du travail et la difficulté à exprimer collectivement les conflits sociaux ne pourraient qu’aggraver ces phénomènes.
La santé des salariés a commencé à faire l’objet d’une « gestion » rationnelle par La Poste à partir du moment où il s’agissait de réduire les coûts générés par les maladies et les accidents pour accroître la compétitivité de l’entreprise. Cette approche instrumentalise la santé dans un rapport coûts / bénéfices assimilant l’amélioration des conditions de travail à un moyen d’augmenter le taux de présence et non comme un but en soi. La méthode pro présence est considérée comme un appui seulement pour une minorité des salariés concernés, celle pouvant réintégrer un travail à l’abri de la pression du flux tendu. Cette méthode comporte des éléments discutables : les salariés dont l’état de santé est identifié comme fragile sont exposés à une gestion strictement utilitariste du personnel. Quant aux cercles de santé, ils ne semblent pas prendre suffisamment en considération les savoirs et les connaissances professionnelles des salariés.
La mise en place d’une commission d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) pourrait accroître l’implication des salariés dans la prévention et la promotion de la santé, favorisant ainsi leurs stratégies d’adaptation à la réorganisation du travail. La Poste aurait également intérêt à mieux connaître les situations favorables ou défavorables à la santé. Une étude longitudinale, consistant à suivre un échantillon de facteurs pendant une longue période, permettrait de mesurer les conséquences des restructurations de l’entreprise en terme d’usure des corps. Les connaissances scientifiques élaborées par une équipe interdisciplinaire de spécialistes, chargée de mener des études mettant en valeur les connaissances et les savoirs professionnels de chaque salarié, seraient mises au profit si elles pouvaient aboutir à une meilleure formation des cadres et des salariés.
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Télévision Suisse Romande (TSR)
Mémoire de master cité parmi les liens utiles de l’émission « Temps présent » de la TSR sur le thème: « Le blues du facteur » (15 décembre 2011).
Cf. http://www.tsr.ch/emissions/temps-present/economie/3557613-le-blues-du-facteur.html