• Conférences

    Les émotions et la morale dans l’étude des relations professionnelles

    Retour sur quelques interventions du Colloque CR25 de l’AISLF– Sociologie des relations professionnelles et du syndicalisme, qui s’est tenu à l’Université de Mons (Belgique) du 23 au 25 mai 2022. Ce texte est paru sur le blog de la revue Les Mondes du Travail.

    Par Nicola Cianferoni [1]

    Parmi les nombreux Comités de recherche (CR) et Groupes de travail (GT) qui constituent les axes thématiques de l’Association internationale des sociologues de langue française (AISLF), le CR 25 « Sociologie des relations professionnelles et du syndicalisme » s’est réuni en colloque à l’Université de Mons du 23 au 25 mai 2022. La fin de la phase aiguë de la pandémie a offert une belle opportunité pour retrouver des échanges en présentiel autour de cette thématique en attendant le prochain congrès de l’AISLF à Ottawa (Canada) du 8 au 12 juillet 2024. Les organisatrices et organisateurs ont choisi de reprendre thème du dernier congrès de 2021 (la société morale) et de le décliner comme suit : « Emotions, épreuves, morale : une nouvelle cartographie pour l’analyse des relations professionnelles ? ». Ainsi que l’indique l’appel à communications, si les sociologues des relations professionnelles s’intéressent de longue date aux valeurs et aux dimensions normatives que les acteurs concernés accordent à leur travail, les transformations en cours de l’emploi sont d’une profondeur telle qu’elles bouleversent désormais la nature et le contenu des normes sociales. C’est la raison pour laquelle les animatrices et animateurs du CR 25 s’interrogent sur la manière dont l’expérience au/du travail, et les revendications sociales qui lui sont liées, empruntent aujourd’hui au registre moral et modifient le rapport subjectif au travail.

  • Notes de lecture

    Note de lecture de « Les enquêtes ouvrières dans l’Europe contemporaine » (La Découverte, 2019)

    Cianferoni, N., note de lecture de: Eric Geerkens, Nicolas Hatzfeld, Isabelle Lespinet-Moret, Xavier Vigna (coord.). Les enquêtes ouvrières dans l’Europe contemporaine: entre pratiques scientifiques et passions politiques (Paris: La Découverte, 455 p.), Les Mondes du Travail, n°127, 2021, p. 197-200.

    Ce livre coordonné par Éric Geerkens, Nicolas Hatzfeld, Isabelle Lespinet-Moret et Xavier Vigna rassemble des travaux divers, fouillés empirique- ment, qui portent sur l’enquête ouvrière au 19ème et 20ème siècle. Comme l’indique l’introduction, l’enquête se distingue « de l’étude, par le contact avec la réalité observée ; du témoignage, par la dis- tance qu’entraîne la dissociation de l’auteur et du sujet et le caractère méthodique des réflexions déployées » (p. 6). La réalité que cible l’enquête ouvrière est issue de l’industrialisation qui boule- verse et modernise les sociétés, en plongeant une partie de la population laborieuse dans le paupé- risme. Le livre délivre la très grande diversité des actrices et acteurs, des thématiques, desseins et méthodes mobilisées dans ces enquêtes ayant pour objet la condition de la classe ouvrière. Loin de porter seulement sur les conditions de travail dans les usines, elles prennent en compte aussi d’autres aspects comme le logement, les pratiques de consommation, la santé et l’hygiène, les loisirs, la sociabilité ou encore les pratiques militantes. En dépit des nombreuses contributions riches et ori- ginales, le livre est très hétéroclite et n’aborde ni certaines thématiques (comme la spécificité du travail migrant et celui dans les colonies, le mou- vement ouvrier et son lien avec le quotidien des ouvriers, la condition ouvrière sous le fascisme, etc.), ni certains pays (comme l’Allemagne ou l’Es- pagne). Remarquons également que certaines thé- matiques comme le travail des femmes auraient pu être développées davantage. Enfin, force est de constater que la classe ouvrière est évoquée sans préciser s’il s’agit-il d’un groupe social fondé sur un certain type de travail (manuel), sur une activité socio-économique ou sur un rapport social.

  • Articles de revue

    La conflictualité du travail peut-elle se limiter au champ politique?

    Réflexions sur les référendums populaires en Suisse contre l’extension des horaires d’ouverture des magasins

    Cet article paraît dans le numéro 24-25 de la revue Les Mondes du Travail.

    Résumé

    La crise du syndicalisme s’est traduite en Suisse par un déplacement de la conflictualité du travail de l’entreprise vers le champ politique. Ce tournant stratégique est engagé par les centrales syndicales suisses au cours des années 1990. Dans le cas de la grande distribution, il se décline par le recours plus fréquent au référendum citoyen pour contester l’extension des horaires d’ouverture des magasins. Même si les travailleuses et travailleurs soutiennent le syndicat dans ces batailles référendaires, celui-ci ne parvient pas pour autant à remplir sa fonction dans la négociation collective et reste perçu comme un corps étranger au monde du travail. Cet article interroge l’efficacité d’une stratégie syndicale consistant à investir le champ politique à défaut d’organiser les travailleurs dans les entreprises.

    Citation conseillée

    Cianferoni, N. (2020). La conflictualité du travail peut-elle se limiter au champ politique? Réflexions sur les référendums populaires en Suisse contre l’extension des horaires d’ouverture des magasins. Les Mondes Du Travail, 24–25, 179–189. Cite Download
  • Interviews

    Genève. Grève à Gate Gourmet. Une lutte qui suscite une large solidarité à l’aéroport

    Cet entretien avec des grévistes, conduit par Nicola Cianferoni & Camilla Mina, a été publié dans la revue À l’encontre (31.10.2013)
    L’Aéroport international de Genève (AIG) est à nouveau le théâtre d’une grève. Après les salarié·e·s de Swissport, Dnata et ISS Aviation en 2010, c’est à ceux de Gate Gourmet, l’un des leaders mondiaux de la restauration pour les compagnies aériennes, de monter au créneau. Et pour cause. Dans le cadre d’un vaste plan de restructuration, l’entreprise souhaite imposer une dégradation des conditionsde travail de son personnel basé respectivement à Genève (Cointrin) et à Zurich (un hub lié à celui de Francfort). Ce plan prévoit une baisse de la masse salariale (diminution des salaires, intensification du travail, suppression d’emplois, etc.) et une concentration des activités dans des aéroports ciblés. Il s’agit ainsi de réduire les «coûts opérationnels» pour rester concurrentiel face aux autres entreprises au service des compagnies aériennes.
    A l’Aéroport de Zurich, le syndicat SSP-VPOD a renoncé de négocier et a accepté la Convention collective de travail (CCT) proposée par la direction. La situation est en revanche différente à l’Aéroport de Genève, où le syndicat SSP-VPOD et le personnel massivement syndiqué rejettent en bloc ce nouveau plan. Face à cette résistance, Gate Gourmet a donc choisi de résilier la CCT pour la fin de l’année 2013, entraînant l’introduction de nouveaux contrats individuels pour le personnel. En réaction, une vingtaine de salarié·e·s se sont mis·e·s en grève dès le 14 septembre 2013. Un mois et demi plus tard, le conflit se trouve dans une situation de blocage: les grévistes tiennent bon bien que six d’entre eux, entre-temps, ont été licenciés avec effet immédiat. Une récolte de fonds est actuellement en cours. Il est possible de faire une donation sur le compte PostFinance 12-18077-3 avec la mention «grève Gate Gourmet».
    Ce 31 octobre 2013, lors d’un rassemblement, en présence de salarié·e·s d’autres entreprises, s’est tenue une conférence de presse devant l’aérogare. Les grévistes ont remis une résolution à la direction de l’Aéroport de Genève, appuyée par une pétition signée par 2025 salarié·e·s travaillant sur la plateforme aéroportuaire. Cette pétition demande une meilleure protection des conditions de travail par le renforcement des CCT existantes et leur extension à toutes les branches.
    Trois grévistes, Dominique, Théo et une autre souhaitant rester anonyme, se sont rendus à l’Université de Genève le 25 octobre 2013, lors du 42e jour de grève, pour partager leur combat avec les étudiant·e·s. Nous avons saisi cette occasion pour nous entretenir avec eux.

    Présence des grévistes le soir des élections genevoises le 6 octobre 2013.
    Présence des grévistes le soir des élections genevoises le 6 octobre 2013.

  • Articles de revue

    Répondre au dumping salarial par la grève? Le cas de l’Aéroport international de Genève (AIG)

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    Article publié dans la revue Les Mondes du Travail, n. 12, 2012/2, p. 65-76.
    Résumé: Des salarié·e·s de trois entreprises actives à l’Aéroport international de Genève (Swissport, Dnata et ISS Aviation) se sont mis·e·s en grève au cours de l’année 2010. Cet article souhaite montrer que leur mobilisation s’inscrit dans l’histoire des relations collectives de travail sur le site aéroportuaire, sans être la conséquence directe de la crise économique de 2008. Deux éléments d’explication sont proposés: d’une part, le développement d’un sentiment d’injustice lié à la faiblesse des rémunérations pour un métier très pénible, et, d’autre part, l’attitude du syndicat consistant à intégrer l’ensemble des salarié·e·s dans l’action collective. Le déroulement de ces conflits est néanmoins marqué par la pression que le chômage exerce sur le personnel.
    Mots clefs: Dumping salarial, grève, restructuration, syndicalisme de lutte, sous- traitance.
    Abstract: Some employees of three airport operating companies in Geneva (Swiss- port, Dnata and ISS Aviation) went to strike in 2010. This article aims to show that their mobilization is in line with the history of industrial relations on the airport, which is not the direct result of the economic crisis of 2008. Two explanations are proposed: firstly, employees developing a sense of injustice associated with low wages for their hardjob; secondly, the attitude of the trade union attempting to integrate all employees in the collective action. The course of these conflicts is marked however by the pressure of unemployment on employees.
    Keywords: Wage dumping, strike, restructuring, unionism based on struggle and agitation, outsourcing.

  • Revues

    Les Mondes du Travail n. 12 / Dossier « Travail et action collective en temps de crise »

    Les Mondes du Travail n. 12
    La revue Les Mondes du Travail n°12 vient de paraître. Il a été coordonné par Mélanie Guyonvarch (Centre Pierre Naville, Université d’Evry Val d’Essonne) et Jean Vandewattyne (Université de Mons (UMONS) et Université libre de Bruxelles (ULB). Il est composé par plusieurs articles regroupés dans un dossier intitulé: «Travail et action collective en temps de crise».
    Les controverses sur la crise économique, apparue début 2007 avec la crise dite des «subprimes», sont nombreuses. Toutefois, les analyses convergent au moins sur un point : la dégradation de la situation économique serait la plus grave depuis la Grande Récession de 1929. Pour analyser les manifestations de cette crise et ses impacts sur les mondes du travail, le dossier à rassemblé huit contributions. Structurées autour de trois niveaux d’analyse, elles partent des réalités les plus locales (Aéroport de Genève, Chantiers navals de Saint-Nazaire, secteur automobile…) en passant par des réalités nationales (Allemagne, Espagne et Grèce) pour se clôturer par une analyse des politiques de réforme des marchés du travail menées en Europe, principalement dans les pays du Sud.
    Ces articles abordent la crise sous des aspects aussi divers que les marchés du travail, les stratégies d’entreprise, les discours managériaux, le contre-pouvoir syndical, les nouveaux mouvements sociaux ou encore les perceptions de la crise parmi les salariés.
    Le «Grand entretien» du numéro présente le point de vue quelque peu iconoclaste du philosophe Anselm Jappe sur le sens et les causes d’une telle crise.
    GRAND ENTRETIEN AVEC ANSELM JAPPE
    «La financiarisation et la spéculation sont des symptômes»
    DOSSIER: TRAVAIL ET ACTION COLLECTIVE EN TEMPS DE CRISE
    Introduction / Mélanie Guyonvarch et Jean Vandewattyne
    Les effets de la récession dans la filière automobile en France / René Mathieu et Armelle Gorgeu
    Travailler dans une industrie en crise(s): le cas des chantiers navals de Saint-Nazaire / Pauline Seiller
    La crise ne date pas d’hier: enquête parmi les cadres, ingénieurs et techniciens (2001 – 2006) / Mélanie Guyonvarch et Gaëtan Flocco
    Répondre au dumping salarial par la grève? Le cas de l’Aéroport de
    Genève / Nicola Cianferoni
    Les syndicats grecs dans le contexte de crise économique /
    Christina Karakioulafis
    Défis et perspectives pour le syndicalisme en Espagne / Antonio Antón
    Morón
    La crise et ses effets vus par des syndicalistes allemands de l’IG Metall /
    Meike Brodersen et Jean Vandewattyne
    Quand les réformes du marché du travail favorisent l’insécurité
    socio-professionnelle / Stéphen Bouquin
    CONTRE-CHAMP
    Résistance, autonomie et implication des salariés. Quelle sociologie pour le travail? / Daniel Bachet
    Ont collaboré au dossier (par ordre alphabétique) : Stéphen Bouquin (Université d’Evry Val d’Essonne), Meike Brodersen (Université libre de Bruxelles), Nicola Cianferoni (Haute école de travail social et de la santé (Lausanne)), Gaëtan Flocco (Université d’Evry Val d’Essonne), Armelle Gorgeu (Centre de Recherches Sociologiques et Politiques de Paris), Mélanie Guyonvarch (Université d’Evry Val d’Essonne), Christina Karakioulafis (Université de Crête), René Mathieu Centre de Recherches Sociologiques et Politiques de Paris), Antonio Antón Morón (Université Autonome de Madrid), Pauline Seiller (Université Paris Descartes), Jean Vandewattyne (Université de Mons et Université libre de Bruxelles).
    Les commandes peuvent se faire via le site de la revue www.lesmondesdutravail.net ou directement sur Amazon.

  • Notes de lecture

    À propos de « Les damnées de la caisse. Grève dans un hypermarché », ouvrage de Marlène Benquet

    Les damnées de la caisseMarlène Benquet, Les damnées de la caisse. Grève dans un hypermarché, Editions du Croquant, Bellecombe-en-Bauges, 2011, 238 pages.

    Note de lecture publiée dans la revue Négociations, n. 18, 2012/2, p. 137-140.

    En 2008, un conflit «improbable» dans un hypermarché situé dans un quartier populaire de Marseille attire l’attention de Marlène Benquet. En effet, la première grève interenseigne et intersyndicale ne se termine pas le jour même comme le prévoient les organisateurs, mais se prolonge durant 16 jours sur la base de trois revendications : une prime exceptionnelle de 250 euros, la possibilité de travailler à plein-temps pour le personnel employé à temps partiel contraint et l’augmentation des tickets-restaurants de 3,05 à 5 euros. Interrogée par ces événements, l’auteure décide de se rendre à Marseille alors même qu’elle travaille à la caisse d’un hypermarché resté à l’écart de cette journée de mobilisation (dans le cadre d’un doctorat effectué à l’EHESS de Paris) (1). Dans le but de mieux saisir les enjeux locaux, régionaux et nationaux de la négociation collective entre organisations syndicales et patronales, elle réalise des entretiens et récolte des matériaux qui l’amènent à considérer que la mise en évidence des «facteurs structurels et objectifs (…) ne permet pas de rendre compte du temps et de l’espace d’une mobilisation» (p. 16).

  • Notes de lecture

    À propos de “La démocratie protestataire”, ouvrage de Lilian Mathieu

    Lilian Mathieu, La démocratie protestataire. Mouvements sociaux et politique en France aujourd’hui, Presses de Science Po, collection «Nouveaux débats», Paris, 2011, 173 p.
    Note de lecture publiée dans la revue www.alencontre.org (15.12.2011)
    La récente contestation-renversement des dictatures dans des pays de l’Afrique du Nord, suivie par les manifestations des Indignés en Espagne et la succession de grèves générales en Grèce remettent la place et le rôle des mouvements sociaux au centre du débat politique.

  • Articles de presse

    L’Italie au crépuscule des conquêtes ouvrières

    Article publié dans la Revue virtuelle À l’encontre (16.9.2011)
    La crise du système de la négociation collective en vigueur depuis l’avènement de la Seconde République s’achemine vers une issue très défavorable pour les salarié·e·s. L’accord signé le 28 juin 2011 par les trois confédérations syndicales (Cgil – Confederazione Generale Italiana del Lavoro; Cisl – Confederazione Italiana Sindacati Lavoratori; Uil – Unione italiana del Lavoro) avec l’association faîtière du patronat italien (Confindustria) prévoit, en effet, la possibilité, pour les entreprises, d’imposer des baisses de salaire, de dégrader les conditions de travail et de restreindre les droits syndicaux. Ainsi, une étape supplémentaire a été franchie vers, d’une part, l’extension à toutes les entreprises des accords que Fiat à imposés aux ouvriers travaillant à Pomigliano d’Arco (juin 2010) et Mirafiori (janvier 2011); et, d’autre part, l’isolement accru du seul syndicat combatif actif dans le secteur industriel de la métallurgie (Fiom –  Federazione Impiegati Operai Metallurgici), appartenant à la confédération syndicale Cgil. En outre, cela s’inscrit dans le vaste plan d’austérité que doit mettre en œuvre le gouvernement Berlusconi.

    Les signataires de l'accord du 28 juin 2011