Cet entretien est paru dans le supplément Indices du quotidien L’Agefi le 4.11.2019.
L’enquête de N. Cianferoni, basée sur 78 entretiens réalisés auprès de dirigeants, de travailleuses et travailleurs de divers échelons hiérarchiques et de secrétaires syndicaux, met en évidence une réorganisation du travail à tous les échelons et interroge la place de la journée de travail dans notre société.
Propos recueillis par Alain Max Guénette.
Pourquoi une enquête sur la grande distribution?
La grande distribution est un secteur emblématique de la consommation de masse et, de ce fait, elle se situe au cœur des changements sociétaux depuis plus d’un demi-siècle. Après avoir connu son apogée dans la période fordiste d’après-guerre, elle adopte rapidement les préceptes de la production flexible développés dans l’industrie automobile. Chaque magasin représente un segment de la production qui, au même titre que les fournisseurs, se trouve relié à une chaîne invisible où chaque produit circule juste-à-temps, nécessitant une mobilisation permanente du personnel pour assurer que le flux ne soit jamais interrompu. L’application des méthodes productives industrielles permet d’augmenter la productivité et d’accélérer la vitesse de roulement des marchandises. Il n’en reste pas moins que la relation avec la clientèle joue un rôle structurant dans l’activité. C’est la raison pour laquelle la grande distribution est aussi emblématique du développement des services dans les économies développées. Ce qui distingue la grande distribution des industries traditionnelles est la coexistence de deux flux tendus: l’un des client·e·s, l’autre des marchandises. Les restructurations mettent en jeu les deux temporalités spécifiques à l’un et à l’autre.