Ce livre coordonné par Éric Geerkens, Nicolas Hatzfeld, Isabelle Lespinet-Moret et Xavier Vigna rassemble des travaux divers, fouillés empirique- ment, qui portent sur l’enquête ouvrière au 19ème et 20ème siècle. Comme l’indique l’introduction, l’enquête se distingue « de l’étude, par le contact avec la réalité observée ; du témoignage, par la dis- tance qu’entraîne la dissociation de l’auteur et du sujet et le caractère méthodique des réflexions déployées » (p. 6). La réalité que cible l’enquête ouvrière est issue de l’industrialisation qui boule- verse et modernise les sociétés, en plongeant une partie de la population laborieuse dans le paupé- risme. Le livre délivre la très grande diversité des actrices et acteurs, des thématiques, desseins et méthodes mobilisées dans ces enquêtes ayant pour objet la condition de la classe ouvrière. Loin de porter seulement sur les conditions de travail dans les usines, elles prennent en compte aussi d’autres aspects comme le logement, les pratiques de consommation, la santé et l’hygiène, les loisirs, la sociabilité ou encore les pratiques militantes. En dépit des nombreuses contributions riches et ori- ginales, le livre est très hétéroclite et n’aborde ni certaines thématiques (comme la spécificité du travail migrant et celui dans les colonies, le mou- vement ouvrier et son lien avec le quotidien des ouvriers, la condition ouvrière sous le fascisme, etc.), ni certains pays (comme l’Allemagne ou l’Es- pagne). Remarquons également que certaines thé- matiques comme le travail des femmes auraient pu être développées davantage. Enfin, force est de constater que la classe ouvrière est évoquée sans préciser s’il s’agit-il d’un groupe social fondé sur un certain type de travail (manuel), sur une activité socio-économique ou sur un rapport social.
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COVID-19. Le regard des sciences sociales
Les sciences sociales analysent les défis que pose le COVID-19 en les insérant dans les dynamiques de nos sociétés. Avec le recul qui les caractérise, ces sciences sont particulièrement adaptées pour comprendre les dynamiques sociales, économiques et politiques d’une maladie qui, pour certain·es, a les traits du diable, et pour d’autres, ceux d’une banale grippe. Ce livre décrypte comment les individus, les organisations et les communautés font face, souffrent et réagissent au COVID-19. 27 chercheur·ses s’y penchent et proposent un ensemble d’éclairages inédits.
Contenu
Éditeurs
Fiorenza Gamba est professeure de sociologie des pratiques culturelles et de la communication à l’Université de Sassari et chercheuse à l’Institut de recherche sociologique de l’Université de Genève.
Marco Nardone est chercheur en histoire sociale et sociologie à l’Université de Genève.
Toni Ricciardi est historien des migrations et chercheur à l’Institut de recherche sociologique de l’Université de Genève.
Sandro Cattacin est professeur de sociologie à l’Université de Genève spécialisé dans les domaines de la santé, de la migration et de la ville.
Auteurs
Thomas Abel, Antonio Abellan Garcia, Mathilde Bourrier, Jean-Michel Bonvin, Claudine Burton-Jeangros, Sandro Cattacin, Nicola Cianferoni, Ruxandra Oana Ciobanu, Bernard Debarbieux, Vera de Bel, Maxime Felder, Fiorenza Gamba, Olga Ganjour, Myriam Girardin, Marco Nardone, Michel Oris, Loïc Pignolo, Rogelio Pujol Rodriguez, Diego Ramiro Farinas, Toni Ricciardi, Emilie Rosenstein, Marlyne Sahakian, Sébastien Salerno, Daniel Stoecklin, Philippe Wanner, Eric D. Widmer, Marie-Eve Zufferey.
ISBN 978-2-88351-098-2
Editions Seismo, Zurich et Genève, 2020, 335 pages.Commande
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La Poste: «Le sentiment d’impuissance génère des souffrances profondes»
Interview paru en français, auf Deutsch e in italiano dans le journal Syndicom, n° 2, 20.2.2015
La Poste Suisse connaît des changement colossaux depuis la libéralisation du secteur dans les années 1990. Le travail est l’objet d’une réorganisation permanente, avec les cadences et la productivité qui tendent à augmenter. Quel est l’impact sur les employés ? Comment La Poste prend en compte la santé des postiers ? Que fait-elle des malades et des accidentés ? Nous en avons discuté avec le sociologue Nicola Cianferoni. Propos recueilli par Yves Sancey.
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Interview donné à Migros-Magazine: «Le coût du surmenage reste difficile à calculer»
Cet entretien est paru dans Migros-Magazine n. 44 du 27 octobre 2014
Tania Araman: Plus d’un million de travailleurs suisses souffrent d’épuisement au travail. Ce chiffre vous surprend-il?
Nicola Cianferoni: Non. Le stress a augmenté dans la plupart des pays industrialisés au cours des vingt dernières années. Il y a plusieurs explications à cela. Le management en est une, avec un ensemble de facteurs. Par exemple, les entretiens d’évaluation individuels, qui sont relativement récents, exercent une pression accrue sur le travailleur.
Stress, burn-out, épuisement sont des termes qu’on n’entendait guère il y a une cinquantaine d’années. Le monde du travail est-il vraiment devenu plus exigeant?
Les atteintes à la santé des travailleurs sont documentées depuis la première révolution industrielle. L’épuisement était alors associé aux cadences imposées par les machines, à la répétitivité des gestes ainsi qu’à la durée du temps de travail. Ces facteurs de risque ont évolué sans pour autant disparaître. On retrouve notamment la répétitivité dans plusieurs métiers. Et dans un centre d’appel par exemple, la cadence est imposée par les clients au bout du fil. Ce qui est nouveau en revanche, c’est que le management exige une implication plus importante dans le travail, dans un contexte où l’on est toujours davantage en compétition avec les autres.
Le surmenage coûte cher aux entreprises. Ne serait-il donc pas dans leur intérêt d’améliorer les conditions de travail?
Le coût du surmenage reste difficile à calculer. Dans l’enquête Job Stress Index 2014, la productivité est estimée sur la base d’une évaluation subjective qui varie d’un travailleur à un autre. De plus, il faudrait tenir compte des formations sur la «gestion du stress», qui coûtent très cher aux entreprises. Leur efficacité reste à prouver, car elles n’interviennent pas sur la racine du problème.
Quelle serait dès lors la racine du problème?
La question de fond est de savoir quelle maîtrise les salariés exercent sur leur travail et, par conséquent, sur la manière dont celui-ci est organisé. Cette maîtrise dépend en large mesure du poids dont disposent les collectifs de travail et les organisations syndicales dans la négociation des conditions de travail, par exemple pour obtenir l’engagement de personnel dans une équipe en sous-effectifs.
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Interview donnée à l’émission « Burn-out: quand le travail nous brûle les ailes »
Le burn-out, ou syndrome d’épuisement professionnel, survient suite à une exposition à un stress chronique. Une enquête du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) signale qu’en Suisse le nombre de personnes souffrant de stress chronique est en constante augmentation.
Vacarme, émission produite et diffusée par la Radio télévision suisse (RTS), a réalisée une série de cinq reportages intitulée: « Burn-out: quand le travail nous brûle les ailes ».
Le quatrième porte sur le burn-out dans le secteur public en prenant comme exemple le cas de La Poste, entreprise où le travail a fortement évolué au cours des 20 dernières années en raison de la libéralisation du secteur.
Nicola Cianferoni a étudié l’impact de ces modifications sur les employés du géant jaune avec la recherche « Quand la modernisation produit de la souffrance: le cas de la Poste suisse » effectuée en 2009. Il intervient dans l’émission pour expliquer en quoi elle est toujours d’actualité.
Pour télécharger le fichier audio:
Vacarme, 4.9.2014 -
Les conditions de travail dans les centres d’appels en Suisse
Article paru dans la revue www.alencontre.org (20.4.2012)
Du 2 au 4 avril 2012 s’est tenu à Saint-Denis (Paris) le premier colloque international sur les centres d’appels visant à créer un réseau international de syndicalistes, salarié·e·s et spécialistes du secteur. Les syndicats Sud-PTT et CGT-Société d’Etudes, à l’initiative de cet événement, souhaitent ainsi créer un cadre propice aux échanges d’informations sur les conditions de travail et les expériences de lutte.[1]
Car les centres d’appels se sont développés avant tout suite à la volonté, affichée par les entreprises, de réduire leurs coûts inhérents à la relation avec leur clientèle respective. Si tous les plateaux téléphoniques incluent les mêmes outils techniques (technologie, outils de travail, etc.) et managériaux (fixation d’objectifs de productivité, mise en place de concours, évaluations etc.) ainsi qu’organisationnels (tâches simples et répétitives), les témoignages ont néanmoins mis en évidence l’hétérogénéité des salaires, de l’intensité du travail, de la durée du temps de travail, de l’exercice des droits syndicaux, etc. d’un pays à l’autre, y compris lorsqu’il s’agit de plusieurs sites d’une même firme transnationale. Nous publions ci-dessous deux documents permettant d’éclairer la situation spécifique dans des centres d’appels en Suisse.
Le premier renvoie à l’intervention de Nicola Cianferoni. Il a été invité afin d’expliquer la situation du secteur en Suisse dans la table ronde sur le thème: «Centres d’appel: les conditions de travail à travers le monde.» Chercheur en sociologie du travail à l’EESP de Lausanne, il connaît – entre autres – les centres d’appels pour y avoir travaillé trois ans comme salarié. En s’appuyant sur son expérience professionnelle au sein d’un centre d’appel sous-traitant d’une grande assurance, il a expliqué les raisons pour lesquelles certaines sociétés choisissent de délocaliser leurs centres d’appels en Suisse plutôt que dans les pays du Sud. Son exposé n’a pas manqué d’étonner les participants: ils n’imaginaient pas que dans «ce petit pays», réputé à l’étranger pour «sa richesse et son bien-être», les centres d’appel reproduisent la dureté des conditions de travail qui peut être repérée, par ailleurs, dans d’autres branches des services ou de l’industrie en Suisse.
Le deuxième est la traduction d’un article du quotidien zurichois Tages-Anzeiger du 2 novembre 2009. Le journaliste y reproduit une discussion avec un inspecteur du travail et un ancien employé d’un centre d’appel de Zurich, Lido Kommunikation AG. Ce centre d’appel a été délocalisée de l’Allemagne vers la Suisse afin de contourner des dispositions de loi sur le télémarketing et sur le travail. L’article décrit des conditions de travail particulièrement sévères: surveillance des employé·e·s avec trois caméras vidéo, obligation de signaler le temps passé aux toilettes, etc. -
Riorganizzazione del lavoro e salute dei salariati. Risultati di un’inchiesta alla posta svizzera
Articolo pubblicato tra gli Atti della mattinata di studio del 23 gennaio 2010, la quale è stata organizzata dall’Associazione per la difesa del servizio pubblico (Canton Ticino) sul tema: « Pubblico e privato. Conseguenze della diversa natura giuridica su: qualità dei servizi, cittadini, impiego. »
Problematica[1]
La liberalizzazione dei servizi postali, il cui inizio risale alla fine degli anni ottanta[2], ha provocato sconvolgimenti di notevole importanza per le aziende del ramo. La produzione è stata riorganizzata secondo il paradigma della lean production, i tempi improduttivi sono stati ulteriormente ridotti mentre la gestione del personale è diventata più flessibile. La nostra inchiesta ha lo scopo di conoscere meglio l’impatto delle ristrutturazioni di un’ex regia federale – La Posta – sulla salute dei salariati e di valutare l’efficacia delle misure messe in atto dall’azienda per ridurre il rischio di malattie e infortuni.
Un centro di distribuzione postale della svizzera romanda nel quale lavoravano 365 impiegati costituisce il « terreno sociologico » dell’indagine. Le analisi sono centrate soprattutto sul lavoro dei postini e si basano su dati empirici quantitativi e qualitativi (cinque interviste effettuate con degli impiegati e un questionario anonimo al quale ha risposto il 51,8% del personale) raccolti durante il mese di febbraio 2009, cioè pochi mesi prima della diminuzione drastica del volume di invii postali a causa della crisi economica. La direzione della Posta ha collaborato alla ricerca rispettando tuttavia il suo carattere indipendente e universitario. -
Mattinata di studio dell’Associazione per la difesa del servizio pubblico (Canton Ticino)
L’organizzazione del lavoro è dannosa per i salariati? Risultati di un’inchiesta alla Posta svizzera
Nell’ambito di una tesi di master in socio-economia realizzata all’’Università di Ginevra, Nicola Cianferoni ha svolto un’inchiesta sulle cbndizioni di lavoro e la gestione delle assenze alla Posta svizzera, la quale sarà presentata il 23 gennaio 2010, in occasione della giornata di studio organizzata dall’Associazione per la difesa del servizio pubblico (ASP). La radiotelevisione della Svizzera italiana ha realizzato un servizio sul convegno ne Il Quotidiano (TSI, 23.02.2010). Il quindicinale Solidarietà ha invece colto l’occasione di porgli qualche domanda su un tema – la salute dei salariati – che fa sempre più discutere. -
Mémoire de Master (Université de Genève)
L’absentéisme, symptôme de la souffrance au travail ? Réorganisation du travail et santé des salariés à La Poste Suisse
Télécharger ici l’étude en format pdf
Les conditions de travail d’une ancienne régie fédérale et les politiques managériales de prévention et de promotion de la santé qu’elle met en œuvre constituent les deux thèmes principaux de ce mémoire. Nos analyses entendent formuler des éléments de réponse à deux questions. Premièrement, la modernisation de cette entreprise porte-t-elle atteinte à la santé des salariés ? Les services postaux connaissent des restructurations profondes depuis la fin des années 1980, c’est-à-dire depuis que les premiers jalons d’un marché postal à l’échelle européenne ont été posés. Dans cette évolution, la gestion du personnel et le rapport aux usagers de la plupart des entreprises de « service public » se sont rapprochées de ceux des entreprises privées. Deuxièmement, les programmes de prévention et de promotion de la santé constituent-ils un véritable appui pour les salariés ? Dans cette étude, nous nous intéressons tout particulièrement au système de gestion des absences « pro présence » développé par GloboSana, une entreprise spécialisée dans l’élaboration de concepts pour une gestion plus efficace de la santé. Ce dispositif permet d’appliquer la « détection précoce » fixé par la 5e révision de l’Assurance invalidité (AI). Il a été introduit à La Poste en 2006, mais aussi dans d’autres grandes entreprises suisses, comme les Chemins de fer fédéraux (CFF) ou la Migros.
Les résultats de cette étude laissent entendre que atteintes à la santé augmentent lorsque les salariés se trouvent désarmés face à l’intensification du travail. C’est le cas, notamment, lorsque les facteurs perdent progressivement la maîtrise de leur travail, c’est-à-dire la connaissance intime de leurs tournées, et ne parviennent plus à mobiliser leurs savoirs professionnels pour s’adapter aux nouvelles cadences. Ce constat concerne une partie non négligeable de salariés : ne pouvant ni avoir une véritable emprise sur les aspects centraux du travail, ni satisfaire convenablement « leur » propre clientèle, les sentiments d’impuissance éprouvés à l’égard de la réorganisation du travail prennent parfois le pas sur leur «pouvoir d’agir» et génèrent des souffrances profondes. La gestion individualisée du personnel tend à gommer les structures hiérarchiques à l’intérieur de l’entreprise, ce qui amène les salariés à considérer que leurs collègues sont à l’origine de leurs souffrances. Nous assistons ainsi à une « psychologisation des rapports sociaux ». L’érosion des collectifs de travail, le départ des salariés les plus anciens, la difficulté à maintenir un « genre professionnel » face aux réorganisations du travail et la difficulté à exprimer collectivement les conflits sociaux ne pourraient qu’aggraver ces phénomènes.
La santé des salariés a commencé à faire l’objet d’une « gestion » rationnelle par La Poste à partir du moment où il s’agissait de réduire les coûts générés par les maladies et les accidents pour accroître la compétitivité de l’entreprise. Cette approche instrumentalise la santé dans un rapport coûts / bénéfices assimilant l’amélioration des conditions de travail à un moyen d’augmenter le taux de présence et non comme un but en soi. La méthode pro présence est considérée comme un appui seulement pour une minorité des salariés concernés, celle pouvant réintégrer un travail à l’abri de la pression du flux tendu. Cette méthode comporte des éléments discutables : les salariés dont l’état de santé est identifié comme fragile sont exposés à une gestion strictement utilitariste du personnel. Quant aux cercles de santé, ils ne semblent pas prendre suffisamment en considération les savoirs et les connaissances professionnelles des salariés.
La mise en place d’une commission d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) pourrait accroître l’implication des salariés dans la prévention et la promotion de la santé, favorisant ainsi leurs stratégies d’adaptation à la réorganisation du travail. La Poste aurait également intérêt à mieux connaître les situations favorables ou défavorables à la santé. Une étude longitudinale, consistant à suivre un échantillon de facteurs pendant une longue période, permettrait de mesurer les conséquences des restructurations de l’entreprise en terme d’usure des corps. Les connaissances scientifiques élaborées par une équipe interdisciplinaire de spécialistes, chargée de mener des études mettant en valeur les connaissances et les savoirs professionnels de chaque salarié, seraient mises au profit si elles pouvaient aboutir à une meilleure formation des cadres et des salariés.